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16 mars 2015 1 16 /03 /mars /2015 22:15
Vincent Garcia

Vincent Garcia

Ils étaient 31 dans le convoi qui a quitté Cadouin en Dordogne pour finir à Buchenwald. Parmi eux Gérard de Commarque et Vincent Garcia. Les survivants seront au nombre de 3 ou 4, dont Vincent Garcia qui sillonne les routes de Dordogne pour témoigner dans les collèges. Il est accompagné de Jean-Paul Bedoin, président de l’ANACR (1), membre du jury du concours de la résistance et de la déportation.

Cette conférence a lieu dans la salle informatique du collège de Saint Cyprien ce lundi 16 mars 2015, organisée par Elyette Sève, professeur d’histoire-géographie et en présence de l’ensemble des élèves de troisième du collège soit 42 élèves qui préparent le concours de la résistance.

Le thème du concours porte sur la libération des camps, le retour des déportés et la découverte de l’univers concentrationnaire. Il ne s’agit pas de se focaliser sur la vie dans les camps malgré les questions légitimes des élèves qui veulent savoir « comment ça se passait »

A la question « Comment avez vous été accueilli ? » Vincent répond qu’un autre résistant Robert Mathé premier résistant à avoir abattu un soldat allemand en Dordogne le 23 octobre 1943, était rentré avant lui. Malgré leurs récits, les Périgourdins, comme ailleurs, ne croient pas ceux qui reviennent de l’enfer. Comme en 1918, les récits paraissent trop monstrueux pour être entendus. Ils sont restés longtemps sans parler. Les témoignages ont commencé à être plus nombreux à partir de 1974, quand les rangs des survivants commencèrent à se clairsemer.

Jean-Paul Bedoin intervient pour préciser certains points. Très pédagogue, il a affiché au tableau la carte de Buchenwald et écrit les mots essentiels au tableau. Il dit à quel point le moral était essentiel pour tenir. Quand un des camarades flanchait on faisait une quête parmi les prisonniers pour donner un peu de leur nourriture pourtant insuffisante pour aider celui qui était en difficulté. Certains rescapés, comme Primo Levi sont entrés dans la zone grise, « pourquoi je suis revenu et pas les autres ?» Parmi ceux-là, nombreux ont choisi de se suicider après la guerre.

Les élèves veulent savoir quel type de travail était imposé dans le camp. Tous travaillaient dans des carrières, à la voie ferrée, à fabriquer des engins de guerre…Vincent a fini aux cuisines, endroit considéré comme une aubaine car à l’abri des intempéries. Il ne faut pas oublier qu’il s’agissait de camp d’extermination par le travail. Les commandos partaient le matin de bonne heure et devaient revenir aussi nombreux le soir. Cela veut dire que les « encore valides » avaient en plus la tache de ramener, à pieds, les morts de la journée. Le climat de Buchenwald est particulièrement difficile construit sur un plateau déboisé par les premiers prisonniers allemands, opposants à Hitler. L’appel après la journée de travail surtout était terrible. Debout pendant des heures dans le froid, groupés 5 par 5.

Un élève se demande « s’il y avait un moyen de ne pas obéir aux ordres ? ». Strictement aucun moyen, explique Vincent. Prenant l’exemple des pierres qu’il fallait porter jusqu’à des wagonnets. « Au début on croit que l’on va s’en tirer en choisissant les plus petites pierres. La sanction est immédiate par les Kapos » Jean-Paul Bedoin résume la situation : « On ne parle pas aux SS on ne les regarde pas »

Mais qui sont ces fameux Kapos qui font régner la terreur ? Tout simplement des repris de justice sortis de prison en Allemagne puis en Pologne pour régner en maitres dans les baraques avec droit de vie ou de mort sur les prisonniers. On les reconnaît au triangle vert qu’ils arborent. La lutte pour le pouvoir va se jouer entre les triangles verts et les triangles rouges ( politiques ), dont fait partie Vincent. Les rouges vont réussir à influer sur la vie dans le camp et contrôler l’ « arbertstatistik », poste stratégique, où, par exemple, on fait les listes de composition des commandos. C’est ainsi que Stéphane Hessel a été sauvé alors que 16 hommes parmi son groupe de camarades avaient été pendus à un croc de boucher, les rouges ont changé son identité lui donnant celle de Michel Boitel qui était décédé (d’un arrêt du cœur, raison officielle des morts dans les camps, en fait du typhus). Les prisonniers n’ont d’ailleurs plus d’identité, ils ne sont connus que par leur matricule inscrit sur leurs vêtements.

Elyette Sève intervient pour demander à ses élèves quelle était la durée moyenne de vie dans les camps. La réponse est simple : 6 mois dans les camps de concentration. À partir du tournant de la guerre contre les Russes, on va adopter un régime un peu moins dur et la durée moyenne de la survie va passer à 9 mois. Vincent Garcia, lui, va tenir 18 mois. Au départ il pesait 72 kgs, il n’en faisait plus que 28 à son retour.

Jean-Paul Bedoin précise que l’assistance psychologique que l’on met en œuvre aujourd’hui en faveur des gens traumatisés n’existait pas. Seule une aide médicale est mise en place au Bugue pour Vincent. Certains n’ont tout simplement pas été reconnus par leur famille. Jean-Paul Bedoin cite René Chouet, mort récemment, que sa mère n’a pas reconnu à la gare et qui avait entendu sa sœur dire « tu ne vois pas qu’on ne nous ait pas rendu le bon »

Jean-Paul Bedoin recadre toujours le propos dans l’époque : à 18 ans on était encore mineur, il n’y avait pas le téléphone dans les maison, on se déplaçait moins que de nos jours etc.

Les collégiens ont jusqu’à vendredi 20 mars 2015 pour rendre leurs copies. Ils ont maintenant à faire une synthèse difficile sur une masse d’informations importante. Qu’on en juge : Deux films, un voyage à Oradour et la conférence de Vincent Garcia et Jean-Paul Bedoin. On ne peut qu’être admiratif du travail entrepris par l’enseignante pour illustrer cette page essentielle de notre histoire et on repart en pensant que ces élèves ont vraiment de la chance.

ANACR = Association des Anciens Combattants de la Résistance

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